Comment concilier respect et autorité?
L'action d'obéissance qu'on pourrait attendre de l'enfant suscite pas mal de débats. C'est vrai qu'on est aujourd'hui nombreux à espérer que nos enfants obéissent. Par exemple qu'ils laissent ce jeu à la maison, ou qu'ils viennent vite changer leur couche, mettent vite leurs chaussures ou ce manteau et pas un autre. Et tout ça avec la difficulté de concilier respect et autorité. Maria Montessori nous invite à réfléchir sur une notion fondamentale pour y arriver.
Coopération versus Obéissance ou Comment concilier respect et autorité?
"Celui qui ne sait pas se tenir en équilibre, n'ose ni marcher, ni même bouger les bras, de peur de tomber: il n'avancera qu'en titubant. Mais si par la suite il apprend à se tenir en équilibre, il courra, sautera et tournera à droite et à gauche. Cela vaut aussi pour la vie psychique... Comment, celui qui est incapable de se soumettre à sa propre volonté, peut-il obéir à celle des autres?... L'obéissance n'est qu'une sorte d'adresse de l'esprit dont le présupposé nécessaire est l'équilibre intérieur... et constitue aussi la meilleure condition préalable à ce que l'on appelle "l'adaptation à l'environnement"...
Même un jardinier nous dira qu'une culture forcée ne peut qu'affaiblir la plante...
Il s'agit donc de donner à l'enfant la possibilité de se développer tranquillement selon les lois de sa nature. De cette manière il va se fortifier, et une fois fort, il fera bien plus que nous n'osions espérer de lui..."
L'enfant dans la famille, de Maria MONTESSORI
La métaphore à la nature me donne envie d'évoquer la permaculture. Permaculture humaine. Et oui, ce mot à la mode n'existe pas que dans nos jardins!
La culture permanente de l'humain.
Quèsaco? Comme dirait l'autre. Je répondrai: veiller au développement harmonieux de l'humain au sein de son environnement.
Bon d'accord. Et l'enfant! On en fait quoi dans tout ça?
Alors attention! Tout ce charabia ne veut pas dire que l'enfant ne cherche pas l'autorité, le cadre, la limite, les règles. Bien au contraire, il en a besoin! Nous, adultes, sommes son jardinier, son tuteur pour rester dans le champ lexical de la nature.
Telle une plante, l'enfant a donc besoin de suivre ses propres lois pour travailler à grandir au sein des lois de l'adulte, qui lui, travaille à son propre épanouissement et celui de son entourage, son enfant en l'occurrence.
Concrètement ça donne quoi?
Obéis mon enfant et tu comprendras? Ou comprends mon enfant et tu obéiras?
C'est vrai, la négociation est souvent nécessaire pour répondre à nos attentes. Le temps qu'il accepte de laisser ce jeu à la maison... Le temps qu'il vienne changer sa couche... Le temps qu'il mette ses chaussures... Ce manteau et pas un autre...
Mais... la négociation n'inclut-elle pas l'échange de points de vue dans le but de parvenir à un accord commun? Alors, mettons nous au niveau de l'enfant.
Tiens! C'est vrai ça d'ailleurs!
Règle n°1: me positionner à son niveau, cœur à cœur nous disent certains, entre quatre yeux en tout cas, pour attirer son attention.
Règle n°2: observation _ écoute, M'assurer donc que j'ai répondu à ses besoins.
Pourquoi il ne coopère pas? A-t-il faim? Froid? Besoin d'affection, de temps, de bouger? Est-il fatigué?...
Antoine de Saint-Exupéry nous dit qu'"On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux."
On l'a tous expérimenté, je pense, dans une situation donnée, ça nous aide de faire un pas en arrière pour voir et comprendre la réaction de l'autre. C'est grâce à cette distance que nos yeux recevront cette scène de l'enfant avec un peu plus de neutralité.
Notre cœur, lui, est mis à rude épreuve pour accueillir les remises en cause de notre autorité, du cadre et des règles qui se mettent en place dans notre environnement. Parce que les négociations sont inévitables tout au long de notre parcours, petits ou grands, et qu'elles participent au processus de socialisation.
Le cœur: L'enfant, autant, voir plus que nous tous, a besoin de tester, comprendre et intégrer les limites. Mais pour ce faire, il doit sentir qu'il est considéré, écouté et respecté. Tous ça pour éviter de remettre en cause la relation qui existe entre nous. Sécurité affective.
En fait, dans cette relation, même dans les négociations les plus rudes, l'enfant est un acteur; un partenaire à l'élaboration des règles de vie de sa famille et de la société.
J'imagine que vous l'aurez senti, j'aime bien me prêter au jeu de confusion entre l'enfant et l'adulte et me perdre dans le prisme de l'enfant. Plus communément, j'imagine souvent que face à moi, c'est une grande personne qui se tient, de pied ferme, égale à égale.
Règle n°3: communication Il me semble que la communication s'organise de deux manières. Verbale et Non verbale
Verbale Les mots les plus justes pour échanger avec vos enfants ne seront pas les miens, mais les vôtres. Lors de ces discussions, il faudra seulement veiller à ne pas remettre en cause l'amour que vous portez les uns pour les autres. Et bien sûr, veiller à ce qu'il vous comprenne.
Selon son âge, l'enfant mettra son temps à conceptualiser ce qu'on va lui demander. Par exemple, il a du mal à comprendre les interdictions. Avez-vous remarqué que quand il commence à parler, il dit "pas" ou "non" après l'objet ou le verbe? "Caillou bouche pas" ou "Caillou bouche non".
La syntaxe française, pour compliquer notre affaire, nous demande de placer l'adverbe de négation devant le verbe.
Mais l'enfant, quand il entend la phrase "Ne mets pas ce caillou dans ta bouche!" comprend "caillou" et "bouche" en premier, puis seulement "pas" ou "non".
En plus, il a du mal à retenir plusieurs informations en même temps. Alors, il aura retenu d'abord "caillou", puis "bouche", puis plus tard, et certainement trop tard "pas" ou "non"; puisqu'entre temps, il aura mis ce satané caillou dans sa bouche.
Il faudra donc donner une consigne plutôt qu'une interdiction: "Le caillou reste par terre." ou "Ce caillou reste dans ta main." ou "Sors ce caillou de ta bouche."
Le mot "stop" aussi va interpeller l'enfant dans son élan et par définition, l'interrompre dans son action, pour recevoir notre consigne.
Communication Non verbale A son niveau, cœur à cœur, entre quatre yeux.
On entend souvent la phrase de Michel Bourdeau: "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse."
J'ai franchement du mal à toujours la respecter. Mais, quand cet enfant, dressé là, devant moi, comme une statut, refuse de me donner ce caillou... j'essaie d'user de patience et de compréhension, le temps que ses petits doigts se désolidarisent.
Le temps _ Le temps de l'enfant _ Le temps de l'adulte _ L'écoute
La conscience temporelle de l'enfant est disproportionnée par rapport à celle de l'adulte. D'ailleurs, même entre adulte, la notion de temps n'est pas toujours la même. 5 minutes pour l'un équivaut à 15 minutes pour l'autre. Bref. L'enfant, donc, a besoin de son temps pour comprendre la consigne.
Curieusement, il lui arrive encore de mettre un caillou dans sa bouche. Et en plus, il nous regarde avec un petit sourire dans le coin de la bouche. En fait, il compte sur nous pour lui répéter la règle. Vous vous rappelez de l'image de la plante et de son tuteur? L'enfant n'est pas défiant.
En fonction de son âge, il a du mal à se répéter la règle. D'ailleurs, je lutte souvent contre moi-même à ne pas craquer sur un morceau de chocolat. Pas vous?
L'enfant nous regarde donc, avec un petit sourire dans le coin de la bouche, pour nous dire: "T'as vu? J'ai compris!" ou "Tu peux me répéter la règle pour voir si c'est toujours la même?" Il a donc du mal à inhiber son geste. Et en plus, comme il est entrain d'expérimenter ses nouvelles capacités, il aura envie de faire ce geste qui lui est interdit; pour intégrer le lien de cause à effet et comprendre la règle.
Pour que la transaction soit réussie, sans conflit, je vous suggère de mettre en place des routines. Les enfants, moi aussi d'ailleurs, ont besoin de prévisibilité et de permanence, dans l'organisation de leur environnement. Leur laisser le choix entre deux choses les aidera aussi à être acteur de la situation.
Et s'il refuse toujours? Posture _ Observation _ Ecoute _ Communication
Des piliers, notre bouée, pour nous sortir, l'enfant et moi de cette opposition.
"Tu ne comprends pas aujourd'hui, tu comprendras demain. En attendant, je te prends et je te sors de cette situation conflictuelle pour nous deux."
Confiance
Je vous l'accorde, c'est pas facile tous les jours! Nous aussi, on a nos propres émotions à gérer, indépendamment de celles engendrées par nos enfants.
Mais pourquoi ne pas leur dire que là, c'est dur pour nous aussi. L'enfant n'est pas roi. L'adulte non plus d'ailleurs.
Je pense que Maria Montessori nous indique qu'à travers ces moments de relation avec ceux qui nous entourent, l'enfant apprend entre autres à communiquer, coopérer, prendre conscience et avoir confiance en lui et en l'autre, connaître ses limites et celles des autres et intégrer les règles de vie.
En attendant notre prochain rendez-vous, j'aimerais vous offrir une fleur. En fait, un diagramme à trois bulles en corrélation.
Cette fleur à trois pétales. L'un est l'enfant, l'autre l'adulte et le troisième l'environnement qui nous entoure.
L'enfant fait partie de l'environnement. L'adulte fait partie de l'environnement.
L'enfant est en relation avec l'adulte. L'adulte est en relation avec l'enfant.
L'enfant est dans l'environnement de l'adulte. L'adulte est dans l'environnement de l'enfant.
Mon objectif, tout au long de ce rendez-vous, aura été de vous amener à voyager au cœur de cette fleur où l'enfant et l'adulte cohabitent dans une aventure conciliée.
Merci, pour votre lecture.
Doïna
Je vous donne rendez-vous le 1er Juin prochain pour un article qui traitera de ce que j'ai appelé "la culpabilité éducative".
"A l'enfant qui vit, à l'adulte qui réfléchit."
Inspirations bibliographiques:
-L'enfant dans la famille, Maria Montessori
-"J'ai tout essayé!" Opposition, pleurs et crises de rage: traverser la période de 1 à 5 ans, Isabelle Filliozat
-Règles et limites en crèche: acquisitions des attitudes sociales, Anna TARDOS et Anne VASSEUR – PAUMELLE, Association Pikler Loczy France
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