On se retrouve ce 1er Septembre pour clôturer la série de trois épisodes inspirés de la pédagogie d'Emmi Pikler.
Bon c'est pas vraiment le moment de faire un vœu. Quoique si!
Cette année on a tous les droits, même de fêter Noël en plein été!
Alors j'ai un rêve pour cette rentrée scolaire. Et sans jeux de mots de ma part, enfin si un peu, je vais vous citer Nelson Mandela:
"L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde."
Pour nous aider à contribuer à l'épanouissement de nos enfants dans notre société, aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet que j'affectionne tout particulièrement: Prendre soin."
Prendre soin
„Au cours du soin, l'intimité qui s'instaure entre l'enfant et la personne qui le soigne éveille des échanges émotionnels puissants lesquels constituent une sorte de sève qui alimente la vitalité de l'enfant.” Anna Tardos
Bienvenue! On se retrouve ce 1er Septembre pour clôturer la série de trois épisodes inspirés de la pédagogie d'Emmi Pikler. Si vous ne l'avez pas encore fait je vous invite à aller lire nos deux rendez-vous sur La Motricité Libre et Le Jeu Libre.
J'en profite d'ailleurs pour préciser que je donne ici mon interprétation de l'approche de l'enfant. Si la pédagogie Pikler vous intéresse, je vous encourage à vous rapprocher de l'association Pikler Loczy France qui est le seul organisme habilité à dispenser les formations à l'approche piklérienne.
Bon c'est pas vraiment le moment de faire un voeu. Quoique si! Cette année on a tous les droits, même de fêter Noël en plein été! Alors j'ai un rêve pour cette rentrée scolaire. Et sans jeux de mots de ma part, enfin si un peu, je vais vous citer Nelson Mandela: "L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde."
Pour nous aider à contribuer à l'épanouissement de nos enfants dans notre société, aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet que j'affectionne tout particulièrement, Prendre soin.
Vous me connaissez de plus en plus, donc vous me direz, alors il nous dit quoi ton dictionnaire ce mois-ci? Le mot „soin“ est défini comme: actes de sollicitude, de prévenance envers quelqu'un, actions par lesquelles on s'occupe de la santé, du bien-être physique, matériel et moral d'une personne.
Quels moments sont concernés par cette action?
Il s'agira des temps d'échange avec l'enfant où notre présence est indispensable, puisqu'il n'est pas encore complètement autonome dans les soins qu'il saura se faire seul plus tard. On parle alors de l'habillage, du bain, du repas, de la mise au lit, du changement de la couche, le brossage des dents, des cheveux, moucher son nez...
Dans l'épisode précédent, je vous ai annoncé le fil rouge de la pédagogie du Dr Emmi PIKLER. La manière dont nous allons prendre soin de l'enfant pour lui offrir l'affirmation, la confiance et l'estime dans son expérience libre et autonome.
De quoi elle parle? Comment voudrait-elle qu'on prenne soin de lui?
„Dans le soin, le bébé est dans une asymétrie avec l'adulte de par son immaturité et sa dépendance, mais à égalité pour coopérer.” Julianna Vamos
C'est bien l'adulte qui conduit le soin. Mais il le conduit de façon à ce que l'enfant, même tout petit puisse participer et soit acteur, actif dans son soin.
Par exemple, si vous souhaitez l'habiller, quand vous lui tendez la manche gauche de son gilet, vous n'allez pas lui prendre de suite le bras gauche pour le mettre. En observant sa réponse physique, il y un moment où vous verrez qu'il est prêt à ce que vous lui preniez le bras gauche ou alors, il vous tendra son bras pour faire ce geste d'habillage en harmonie avec vous.
"C'est ainsi que partant du mouvement libre autonome on en arrive aux soins fondés sur la coopération." Anna Tardos, „Les enfants de la colline des roses“
Je sais ce n'est ni évident, ni facile tout le temps. Cela demande une sacrée patience. Être attentif et à l'écoute des gestes de l'enfant, pour faire avec lui, plus que sans lui.
Ne pas être pressé par le temps; prendre sur soi.
Ce n'est pas complètement faux, faire participer activement l'enfant au soin peut ralentir l'opération.
Quoique, l'un dans l'autre, étant donné qu'il supprime les temps d'opposition de l'enfant, c'est „kif-kif“.
Malgré ses maladresses, on peut se rendre compte que lorsque j'habille bébé, il aide. C'est fou les capacités qu'il a déjà pour coopérer, faire avec moi!
Je savoure cet instant de partage où je n'ai plus l'impression que je l'aide, mais qu'on s'accorde l'un à l'autre en fonction de nos capacités pour atteindre l'objectif qu'il s'habille, qu'il mange ou qu'il se mouche.
A quoi devons nous penser pour ces temps de soins?
Je vous invite à mettre de côté: miroirs, mobiles, portables, jeux.
Vous verrez, ce sont autant de distractions pour bébé, qui sont susceptibles de couper la symbiose, l'intime, qui existe entre vous deux. Nous n'arrivons plus à être ensemble et à obtenir sa coopération. Bébé regarde ailleurs; il ne m'écoute plus, il ne me regarde plus. Je fais son soin seule, lui n'est pas avec moi parcequ'il est distrait par autre chose.
Et si l'enfant ne peut se passer de ces objets, ce n'est pas grave. Nous veillerons simplement à ce que cela ne rende pas l'enfant passif dans le soin. Par exemple en lui parlant et en le faisant participer pendant le soin. Je vais préciser juste après.
Si jamais une personne venait se rajouter au soin, la relation se fera à trois. Et si la relation à deux venait à être interrompue, comme nous nous excusons auprès d'un adulte d'interrompre la parole, nous en ferons de même avec l'enfant.
Pour une organisation pratico-pratique, avant de faire le soin avec l'enfant, vérifiez que tout ce dont vous avez besoin est à votre disposition. Cela vous évitera de rompre constamment votre action. Vous n'aurez alors pas à vous lever sans cesse pour aller chercher quelque chose et risquer la mise en danger de l'enfant.
Quels sont les outils pour ce tête-à-tête avec mon partenaire, l'enfant?
Il y a quatre bases, quatre piliers fondateurs de la relation de soin:
-Déjà, la relation que vous avez avec cet enfant. Vous l'avez observé, vous le connaissez, vous connaissez ses habitudes ...
-Ensuite la coopération mutuelle. Sans empressement, vous allez vous adapter à ses capacités du moment et accorder votre soutien à son autonomisation progressive dans le soin.
Pour nous aider à comprendre l'intérêt de faire les choses au rythme de l'enfant, voici un exemple. Quand vous voulez monter un meuble, si vous le faites sans avoir réfléchi à comment le monter et que vous le faites de façon trop précipité, il y a beaucoup de chance que vous vous trompiez et que vous ayez à tout recommencer. Vous ne pouvez pas le faire sans être dedans.
„En effet les soins, qui assurent la satisfaction des besoins physiologiques de l'enfant, ne se distinguent pas, (à cet âge-là,) des besoins psychiques.“ Judit Falk
En gros l'enfant ne fait pas la différence entre faire et être. Vous êtes ensemble et vous faites ensemble.
-Troisième point, vous allez parler à cet enfant. Vous allez être prévenant et lui expliquer ce que vous faites.
Je vous propose un petit jeu: avec votre conjoint, votre soeur, votre père, votre ami..., mettez un bandeau sur vos yeux.
Demander à la personne qui vous accompagne de vous faire marcher, ou de vous donner à manger, ou de vous mettre un manteau. Soyez attentif à ce qu'il vous dit ou pas. Ensuite, discutez ensemble des mots qui vous ont manqués. Il aurait peut être pu décrire vos capacités, votre curiosité, l'enchainement de la situation, si vous souriez ou pas etc.
A partir du moment où nous sommes deux, nous avons deux points de vue. Au moment du soin, il est intéressant voire important pour l'enfant de connaitre votre point de vue. Comme ça il pourra accorder ses mouvements aux vôtres.
Avant d'agir, vous allez alors lui parler pour lui mettre ce gilet. „Je te tends la manche gauche de ton gilet, j'aimerais avoir ton bras gauche.“ Et lorsque l'enfant rentrera en coopération pour ce geste, pourquoi ne pas le remercier. Il appréciera d'autant plus ce moment de partage avec vous.
-Et le dernier point est celui du toucher. Communication non verbale. Le toucher est le premier sens qui permet à l'enfant de rencontrer le monde. Votre contact avec l'enfant est délicat, sensible.
Un peu plus précisément, vous allez solliciter l'enfant de trois manières: vous allez l'appeler pour qu'il vienne à vous, ou alors vous allez lui demander quelque chose, par exemple qu'il vous donne la cuillère qu'il a dans la main. Ou encore, vous allez lui proposer quelque chose, par exemple de prendre le gant pour qu'il se lave.
Votre sollicitation sera inachevée, douce et lente.
Inachevée c'est à dire en attente: Vous laissez à l'enfant la possibilité de choisir, d'agir, de faire par lui même, comme l'adulte le ferait si la sollicitation venait d'un autre adulte. Par exemple, quand vous invitez votre conjoint à venir à table, il se passe un temps avant qu'il ou elle s'installe.
Cette sollicitation inachevée lui laisse le temps de traiter l'information, d'un point de vue cognitif, émotionnel et physique. L'information monte au cerveau, il accepte de quitter son activité en cours et se déplace jusqu'à la table. Ses capacités de coopération sont alors également sollicitées, ce qui lui procure un sentiment de compétence et une expérience de réussite dans ce moment en famille.
Si c'était un bébé que vous invitiez à table, vous attendez le signe où il lève les bras dans votre direction; ce qui vous signifie qu'il est prêt à ce que vous le preniez dans les bras.
La sollicitation est inachevée et douce. On a parlé du toucher juste avant.
Nous pourrions également parler du message verbal.
Si jamais la sollicitation était par exemple de prendre ce gant pour se laver, formulez-la sous forme demande, d'aide.
Au lieu de recevoir l'information comme une injonction, l'enfant reçoit l'information intéressée à ce qui le concerne et le rend responsable. Le soin n'est plus une corvée pour qui que ce soit, il peut devenir un plaisir partagé. Alors nous nous rendons compte que nous ne faisons pas le soin vite vite vite pour passer à autre chose parce que nous nous laissons le temps d’interagir dans ce rendez-vous entre l'enfant et l'adulte.
La sollicitation sera inachevée, douce et lente.
Lente, pour ne pas surprendre l'enfant et lui permettre alors d'anticiper, de comprendre ce qui arrive.
Parfois, on peut se rendre compte que l'enfant fait un petit soubresaut. Peut être que nous avons été trop vite. Ce n'est pas toujours évident d'accepter, de prendre le recul nécessaire ou de remettre en cause nos actions qui peuvent avoir un impact sur l'enfant. Il a besoin d'un temps pour recevoir l'information. Nous nous accorderons donc à son temps, à sa temporalité.
Bon! c'est vrai qu'il arrive souvent, comme par hasard à ce moment là, que l'enfant cherche à s'échapper. Il est certainement dans un jeu envoutant qui lui demande du temps pour faire la transition. Ou il essaye de comprendre vos limites... En tout cas, il est suffisamment à l'aise dans la relation pour jouer un peu avec vous. Ça ne veut donc pas forcément dire qu'il s'oppose réellement à vous.
Quand vous proposez un soin à l'enfant, vous avez confiance en vous; vous êtes sûre de l'intérêt du soin que vous lui apportez.
Vos mots sonneront alors convaincants. „Je vois que tu es content de jouer avec ta petite voiture rouge. Tu as une selle dans ta couche et tu as besoin qu'on l'enlève! Quand tu seras arrivé au bout du circuit, on change ta couche. Après tu pourras retrouver ta voiture.”
Cela recentrera l'enfant et, à son rythme, il arrivera plus facilement à l'espace de soin que vous lui avez préparé.
Et en plus, nous, ça nous donne un sentiment de satisfaction parce que nous faisons avec l'enfant et pas contre lui.
Et si jamais il refusait toujours, vous lui signifiez qu'il n'a pas envie. Il est peut être fatigué.
On ne va pas aller dans l’extrême inverse, on ne peut pas attendre de l'enfant qu'il soit constamment autonome. Plutôt que de lui dire „je ne comprends pas, tu sais faire ça d'habitude, tu es grand“, on pourra lui dire „aujourd'hui tu m'as l'air bien fatigué, je vais faire avec toi“. De cette manière, vous allez le „tirer” vers le haut d'une situation embarrassante pour lui.
Si vous désirez approfondir la question de la coopération, je vous invite à lire l'article Coopération versus Obéissance.
Parentalité positive, ça ne veut pas dire „dire oui tout le temps à son enfant“ et il me semble que ça ne s'oppose pas non plus à la parentalité qu'on appellerait par déduction „négative“. Il n'y a pas de plus ou de moins. L'essentiel est de trouver le juste milieu. L'enfant a besoin d'un cadre sécurisant pour s'épanouir librement. Si on lui dit oui tout le temps sans réfléchir, il perd ce cadre et ses repères. Et à l'inverse, si on lui dit non tout le temps sans réfléchir, il ne comprends pas le sens de ce cadre qui ne lui est pas expliqué.
Le but de l'approche que je vous propose est de donner à l'enfant des repères stables et sécurisants, dans chaque instant de sa vie et de manière continue et prévisible.
Nous nous rendons compte que le temps du soin est la première expérience sociale de l'enfant. C'est de cette relation avec l'adulte qu'il apprend l’interaction avec l'autre et son environnement.
Cet échange entre l'enfant et l'adulte est un moment privilégié pour l'enfant. Pour nous aussi d'ailleurs.
Qu'est-ce que cela apporte à l'enfant?
-Communiquer. Il entend de nouveaux mots.
-Coopérer et faire avec l'autre.
-Avoir conscience de lui et des autres par exemple en nommant et en situant les parties du corps.
-Avoir de l'estime de lui et être conscient de ses capacités à travers votre regard.
-Avoir confiance en lui et en vous grâce à la cohérence et à la véracité des évènements que vous lui avez annoncés.
-Avoir de l'empathie et prendre plaisir dans la relation. S'il prend un air sérieux, vous aurez tendance à le lui refléter. Pareil s'il rigole.
-Affirmer ses choix par exemple quand vous lui proposez de choisir entre deux pantalons rouge ou bleu, ou quand vous reconnaissez et verbalisez les actions qui découlent de ses émotions. Alors il se sent concerné et respecté.
-Être prudent, attentif et observateur, par exemple s'il s'est maladroitement mis de la crème sur les lèvres la fois précédente et qu'il en a pas apprécié le goût, il fera attention la prochaine fois de bien contourner sa bouche.
-Prendre des initiatives grâce à la connaissance des enchainements et techniques. C'est là qu'il apprend les procédures pour s'habiller, manger... et qu'il saura anticiper pour faire encore mieux avec vous et se diriger vers l'autonomie.
-Connaître ses limites, la politesse, les règles de vie. Par exemple de ne pas toucher à tout les morceaux de pomme dans le plat.
„Au cours du soin, l'intimité (corporelle) qui s'instaure entre l'enfant et la personne qui le soigne éveille des échanges émotionnels puissants lesquels constituent une sorte de sève qui alimente la vitalité de l'enfant.”
Anna Tardos
Sur ces trois derniers épisodes, je vous ai présenté le cercle vertueux de la prise en charge globale de l'enfant, où le soin et l'activité libre sont indissociables.
Le fil rouge de ce cercle est le soin.
Allié à l'observation, il est cette sève, cette énergie qui alimente la vitalité de l'enfant dans sa motricité et son jeu libre; dans son enthousiasme et son épanouissement au monde.
Reconnu par l'adulte, nourri par son attention, les batteries de l'enfant son rechargées; son réservoir affectif est rempli à bloc. Grâce à tout ce que lui a apporté ce moment d'échange, de partage et de socialisation, l'enfant peut vaquer à ses occupations.
Bonne nouvelle: comme ses occupations sont l'activité libre, indépendantes et sereines, c'est un temps où notre sollicitation n'est pas indispensable pour lui.
Alors, sans sentiment de culpabilité nous pouvons nous même vaquer à nos occupations; penser à prendre soin de nous. Avant ou après avoir rangé le linge, libre à vous de décider de l'ordre des choses.
A la vue de votre enfant et votre enfant sous votre regard, ou au minimum à portée de voix, vous ne vous demanderez plus lequel de vous deux est dépendant ou „esclave“ de l'autre.
On a tendance à penser que pour être considérés comme de bons parents, nous devons être avec l'enfant, obligés de faire tout le temps quelque chose avec lui.
Les premières relations adulte-enfant ne se mettent pas en place seulement en prenant l'enfant dans les bras, en jouant constamment avec lui ou en lui apprenant quelque chose.
Vous l'aurez compris, cela se fait aussi et surtout au moment des soins avec l'enfant.
Si vous avez aimé notre rendez vous ou pour des questions plus précises, je serai heureuse de vous retrouver. Vous pouvez aussi aimer ou partager le lien de notre rendez-vous.
"A l'enfant qui vit, à l'adulte qui réfléchit."
Inspirations bibliographiques:
-Les premières années de bébé, son bien-être et ses compétences jour après jour; Geneviève Appell avec Elisabeth Scheurer et Nicole Simon Bogaers, éditions érès
-Les enfants de la colline des roses, Loczy, une école pour grandir, Bernard Martino, éditions JC Lattès
-Loczy ou le maternage insolite, Myriam David et Geneviève Appell, éditions érès
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