Parce que la Hongrie est le pays où j'ai passé une partie de mon enfance, aujourd'hui, je suis fière de vous présenter une pédiatre hongroise qui s'appelle Emmi PIKLER. C'est à tout juste 20 ans, pendant mes études d'infirmière que je suis radicalement tombée dans sa marmite. A travers sa vision de l'enfant, Emmi PIKLER a, je pense, justement contribué à ce que les familles puissent accompagner le développement harmonieux de leur enfant. Puis, plus largement, elle participe encore aujourd'hui à l'épanouissement de l'enfant dans notre société. Vous le savez maintenant, nos rendez-vous mensuels sont motivés par mon souhait viscéral de rendre accessible à toutes et tous, ces théories de pédagogues qui embrouillent nos lectures. C'est justement une de ces pédagogies qui provoque souvent réticence, culpabilité, peur, sentiment d'impuissance et d'infaisabilité.
La motricité libre
„L'intervention directe de l'adulte au cours des premiers stades du développement moteur, c'est-à-dire retourner l'enfant, le mettre assis, le mettre debout, le faire marcher, n'est pas une condition préalable à l'acquisition des ces stades... Car dans des conditions d'environnement favorables, le jeune enfant arrive régulièrement, de lui-même, de sa propre initiative, par des mouvements de bonne qualité, bien équilibrés, à se tourner sur le ventre, puis, en passant par le rouler, le ramper, le déplacement à quatre pattes, à s'asseoir et à se mettre debout.“ Emmi PIKLER
Parce que la Hongrie est le pays où j'ai passé une partie de mon enfance, aujourd'hui, je suis fière de vous présenter une pédiatre hongroise qui s'appelle Emmi PIKLER. C'est à tout juste 20 ans, pendant mes études d'infirmière que je suis radicalement tombée dans sa marmite.
A travers sa vision de l'enfant, Emmi PIKLER a, je pense, justement contribué à ce que les familles puissent accompagner le développement harmonieux de leur enfant. Puis, plus largement, elle participe encore aujourd'hui à l'épanouissement de l'enfant dans notre société.
Vous le savez maintenant, nos rendez-vous mensuels sont motivés par mon souhait viscéral de rendre accessible à toutes et tous, ces théories de pédagogues qui embrouillent nos lectures.
Emmi PIKLER est à l'origine de la pédagogie Loczy. On entend pédagogie Loczy chez les uns, pédagogie Pikler chez les autres, ou encore Loczy-Pikler. D'ailleurs pour la petite histoire, l'établissement où la pédagogie a été reconnue se trouve à Budapest en Hongrie, rue Loczy. Sympa non?
C'est justement une de ces pédagogies qui provoque souvent réticence, culpabilité, peur, sentiment d'impuissance et d'infaisabilité.
On dit par exemple qu'elle ne peut pas être appliquée parce qu'à l'origine, elle à été mise en place dans un pays communiste d'après guerre, et parce qu'on pense qu'elle s'adresse à un public d'enfants orphelins de pouponnières.
Pour les plus curieux d'entre nous, je raconterai à la fin de notre article comment la France a rencontré la pédagogie du Docteur Emmi Pikler.
Mais ce qui me semble le plus important à vous dire, c'est que c'est dans un contexte bien différent de celui de la guerre, des orphelins et des pouponnières que cette pédagogie a vue le jour.
Avant d'être directrice d'une Institution qui porte aujourd'hui son nom, Emmi PIKLER a été pédiatre de famille. Elle a accompagné à leurs domiciles, pendant une dizaine d'années, une centaine de familles de jeunes enfants.
C'était un peu la coach familiale avant-gardiste. Mon influence numéro 1 dans l'accompagnement et le soutien que je vous propose.
A leur domicile, elle a donc apporté ses observations et ses conseils aux parents. Elle a été un réel partenaire, contribuant au développement harmonieux de l'enfant dans sa famille. Même dans les appartements les plus petits, ensemble ils réfléchissaient à mettre en place un environnement adapté aux besoins de leur enfant.
Alors. La motricité libre c'est quoi? Saviez vous que les acquisitions sensorielles du nouveau né sont presque matures à sa naissance? C'est à dire que le toucher par exemple est le premier sens qui se développe chez le fœtus dans le ventre de sa maman. À 5 mois de gestation, il perçoit, ressent déjà toutes les vibrations sonores dans le ventre de la femme qui le porte. L'utérus n'est pas un milieu obscur. Le fœtus de 7 mois peu déjà réagir à la lumière. Et l'ouïe, est le premier organe qui est complètement formé entre 5 et 6 mois de gestation.
Pourquoi je vous dis tout ça? Parce que pour introduire les notions de motricité libre, il me semble important de constater que le bébé est doté d'un plein potentiel sensoriel bien avant son arrivée au monde.
Que nous dit le dictionnaire? Le mot „motricité“ est défini comme la faculté motrice commandée par les centres nerveux et permettant la contraction musculaire et les mouvements.
Le mot „libre“ est défini comme le fait de ne pas être soumis à une ou plusieurs contraintes externes.
Et voici ce que nous dis Emmi PIKLER dans le livre « Se mouvoir en liberté dès le premier âge » : „L'intervention directe de l'adulte au cours des premiers stades du développement moteur, c'est-à-dire retourner l'enfant, le mettre assis, le mettre debout, le faire marcher, n'est pas une condition préalable à l'acquisition des ces stades... Car dans des conditions d'environnement favorables, le jeune enfant arrive régulièrement, de lui-même, de sa propre initiative, par des mouvements de bonne qualité, bien équilibrés, à se tourner sur le ventre, puis, en passant par le rouler, le ramper, le déplacement à quatre pattes, à s'asseoir et à se mettre debout.“
En fait, ce que veut nous dire Emmi PIKLER c'est que l'enfant n'a pas besoin qu'on lui apprenne a se retourner du dos sur le ventre, s'asseoir, se mettre debout ou marcher. L'enfant peut tout seul arriver à ces positions quand il est prêt. Puisque temps qu'il n'est pas prêt, il ne peut y arriver tout seul. Pour l'aider, l'adulte va intervenir indirectement, sur l'environnement de l'enfant.
Il ne s'agit en aucun cas de laxisme; de laisser l'enfant livré à lui même, tout faire sans notre intervention. Bien au contraire. Il s'agirait plutôt de préparer un cadre, des limites et des règles bien identifiables pour l'enfant afin qu'il s'y sente en sécurité pour se mouvoir.
Nous allons donc veiller à l'aménagement d'un environnement qui soit adapté aux capacités motrices de l'enfant. Cet espace pourra évoluer progressivement au fur et à mesure que l'enfant grandit. Et bien-sûr les sources de dangers en seront écartées.
Nous allons choisir des vêtements confortables pour nos petits athlètes. Ils ont besoin d'être à l'aise pour exercer, entrainer leurs petits corps à grandir. C'est bien difficile de faire un mouvement complexe, étriqués dans nos jeans moulant. N'est-ce pas mesdames et messieurs?
Je disais: L'enfant peut tout seul arriver à ces positions quand il est prêt. Plus concrètement, il faut un peu de temps au bébé, couché sur le dos, pour comprendre qu'il est à l'origine du mouvement qu'il exécute par hasard, pour ensuite le faire avec intention. Rolala ces bébés qui répètent inlassablement les mêmes gestes!
En fait ils travaillent leurs intentions dans leurs mouvements, leur force, la contraction de leurs petits muscles, leur équilibre, les relations de causes à effets... Ils sont clairement acteurs de leur petit corps. Des chorégraphes, de grands sportifs qui décryptent minutieusement leurs gestuelles. Si je fais ça, ça fait ça...
D'ailleurs. Le bébé ne fait rien? J'aime bien me rappeler de ce que nous disais quasi quotidiennement mon professeur d'université en Art-thérapie: Monsieur Forestier: „Quand vous ne faites rien, vous faites quelque chose!“ Le bébé ne fait pas rien! CQFD
Je voudrais vous livrer le témoignage de Madeleine VABRE, psychologue. Voici ce qui lui vient quand elle observe un bébé s'exerçant à se retourner de plat dos à plat ventre, dans le film „Indépendamment tout seul“ réalisé par Emmi PIKLER: „...je perçois son regard, l'expression de son visage, la mobilité de tout son être. J'y lis une attention à ce qu'il est en train de faire, de vivre, d'éprouver, de chercher, à travers le travail effectué pour réaliser ce déplacement. Son regard, la mimique de son visage traduisent l'attention qu'il porte à ce qui se passe en lui. Naît en moi l'idée que son attitude manifeste du penser, que son attitude est pensante. Je note que les objets autour de lui ne mobilisent pas son intérêt à ce moment du travail. Et, lorsque aller à plat ventre est aisé, lorsque le chemin pour rouler est trouvé et acquis, ..., à cet instant s'opère une bascule: son regard s'oriente vers ce qui l'entoure, vers le monde. Son regard s'adresse au monde avec une disponibilité et une présence remarquable.“ Fin de citation
Doucement et sûrement. L'enfant avance étape par étape, en franchissant les difficultés de son développement moteur. De plus en plus et de mieux en mieux.
Pour encourager la motricité libre, les études scientifiques viennent confirmer son intérêt. Nous nous rendons compte que l'enfant fait des expériences sérieuses. Par exemple lorsqu'il s'amuse (ou pas) à faire tomber un objet, il expérimente par lui même la loi de la gravité. La force responsable de la chute d'un objet vers le sol qu'on appelle la Loi Newton.
Par l'exercice physique et sensorielle, votre enfant intègre déjà indirectement des règles de la physique, des mathématiques, de la lecture, de l'écriture...
Pour résumer, j'aime bien cette phrase du psychologue Carl ROGERS : « Les simples connaissances qui peuvent influencer le comportement d'un individu sont celles qu'il découvre par lui même et qu'il s'approprie. »
Mais pourquoi est-ce si difficile de comprendre la motricité libre ou plutôt de la mettre en place? Sachez que pour vous accompagner au mieux le corps médical se réfère à des normes. Sauf que ces normes, sorties de leur contexte, n'ont pas toujours de sens dans notre prise en charge et vous induisent souvent en erreur, vous mettent la pression, vous stressent ou vous culpabilisent.
Nous faisons des tests sur les bébés pour vérifier leurs capacités motrices et détecter d'éventuelles anomalies. Nous vous posons également souvent les questions: „est ce qu'il se met sur le ventre?“, „est-ce qu'il sait s'asseoir?“ Nous oublions malheureusement souvent de vous dire que ces gestes que nous faisons ou ces questions que nous vous posons ne veulent pas dire qu'il faut que vous appreniez à votre enfant à se tourner du dos au ventre ou à s'asseoir, ou encore à marcher. Nous devrions vous sensibiliser sur la motricité libre et vous expliquer pourquoi on fait ces tests et pourquoi on vous pose ces questions. Et surtout, nous devrions porter plus d'importance à vos observations et la connaissance de vos enfants. La qualité des mouvements de vos enfants est bien plus importante que la quantité.
D'ailleurs, l'équipe d'Emmi PIKLER a remarqué que les enfants élevés à la pouponnière Loczy se mettaient sur le ventre et se levaient plus tard que les normes qu'on voit dans nos livres.
Voilà de quoi vous aider à garder confiance en vos compétences de parents ou de professionnels quand des comparaisons sont faites entre un enfant et un autre. Nous sommes tous différents et nous évoluons tous à notre rythme. Les enfants aussi.
Alors c'est sûr la motricité libre nous demande de savoir lâcher prise. Mais c'est quoi cette expression à la mode qu'on entend à toutes les sauces et qui veut à la fois tout dire et rien dire? Si je me réfère à notre rendez vous sur la culpabilité éducative, lâcher prise ici voudra dire: -déculpabiliser de la peur de mal faire. Parce qu'on en vient à ne pas être tranquille et à faire des choses, influencés par le regard des autres...
-par transmission culturelle ou tradition, il nous arrive aussi de faire des choses avec nos enfants, qui n'ont plus de sens dans nos contextes de vie.
-déculpabilisons également de ne rien faire avec nos enfants. Nous ne faisons pas rien vous vous rappelez? Au contraire, nous leur laissons le temps, l'espace pour qu'ils travaillent à grandir leurs capacités motrices.
-Nos peurs, nos phobies d'éducateur: peur qu'il n'y arrive pas, peur qu'il tombe. Mais vous savez, souvent un enfant ne se mettra pas dans une position d'où il n'est pas capable de faire marche arrière. En plus, les enfants font encore plus attention et sont encore plus concentrés, s'ils savent que l'adulte n'est pas à leurs côtés.
Et dans le cas contraire s'il est mis dans une position d'où il ne peut sortir seul il nous sollicite beaucoup pour être assisté dans ses gestes. On peut alors se demander: qui de l'adulte ou de l'enfant est dépendant de l'autre? Vous en pensez quoi?
J'aimerais attirer votre attention sur une chose: Justement, si je lui dis: „Attention!“ Je vais le déconcentrer pendant qu'il était en train de rechercher un équilibre, une stabilité pour ne pas tomber. D'ailleurs, souvent il tombe juste après que je lui ai dit „Attention!“
Petites astuces:
Quand je vois un enfant se mettre en danger, j'arrive à pas de velours et je m'approche de lui comme un petit chat, discrètement sans l'extirper de là où il est. Qu'est-ce qui me dit qu'il va tomber?
J'observe surtout et je regarde où il met ses petites mains et ses petits pieds pour justement mesurer son équilibre et le risque qu'il tombe réellement.
Je vérifie qu'il est attentif à ce qu'il fait notamment à travers son regard et si besoin je lui suggère de diriger sa concentration vers ce qu'il est en train de faire.
Je fais aussi beaucoup de respiration et de relaxation pour détendre mes angoisses et mes démangeaisons!
Si jamais il avait réellement besoin de mon soutien physique, je lui mets la main dans le dos au niveau du cœur pour lui indiquer la confiance que je lui donne. Si je mettais ma main pour le soutenir en dessous de ses fesses, je risquerais de faire à sa place et lui indiquerais que sans moi il n'est pas capable.
Vous vous souvenez de notre rendez vous Coopération versus obéissance? Après l'avoir guidé verbalement dans la résolution de son problème, s'il ne pouvait pas se sortir de la posture dans laquelle il s'est mise, je le tire vers le haut en lui parlant, pour ne pas le laisser dans une situation d'échec: "Tu n'y arrives pas aujourd'hui, tu y arriveras demain. En attendant, je te prends et je te sors de cette situation difficile."
Confiance! Vous lui indiquez que vous avez confiance en lui et vous lui donner la force pour qu'il ait confiance en lui. En plus de cette force, dans l'expérience de sa motricité libre, l'enfant prendra plaisir à grandir en jouissant de ses capacités à devenir de plus en plus autonome.
Et s'il devait tomber? Je propose de l'accompagner dans sa chute en „slow motion“ c'est à dire que je ralentis sa chute en l'attrapant, mais je respecte la loi de la gravité et l'accompagne jusqu'au sol pour qu'il comprenne la relation de cause à effet en allant jusqu'au bout de cette expérience.
Attention chaque chute est différente, et nous ferons preuve de bon sens. Bien sûr, nous n'allons pas laisser un enfant tomber dans l'escalier.
A ce qu'il paraît, les bébés animaux apprennent seul à se lever sur leurs pattes et à se déplacer. Ce n'est que quand ils se mettent en danger que leur parent intervient.
Pour moi et certainement pour tous les pédagogues, le concept de la motricité libre est bien plus large que le simple fait de respecter les capacités motrices de l'enfant. Vous l'aurez pressenti, la motricité libre implique la façon qu'aura l'adulte de considérer la personne qu'il a face à lui. Un peu comme dans la coopération. Mais cette notion là, je vous propose de la garder dans un coin de notre tête pour l'aborder à un prochain rendez-vous.
Avant de conclure, voici l'histoire de la rencontre entre la France et la pédagogie Pikler: Il était une fois (parce que moi j'aime bien quand ça commence part il était une fois) en 1968, deux françaises, Dr Myriam DAVID, pédopsychiatre et Me Geneviève APPEL psychologue. Ces dames étaient allées visiter la pouponnière Institut Loczy fondé en 1946, à la fin de la seconde guerre mondiale. A la demande du gouvernement hongrois, c'est la pédiatre Emmi PIKLER qui fut nommée directrice de cet établissement. Interpellées par le développement harmonieux de ces enfants sans parents, nos françaises, passèrent deux semaines en Hongrie. Tout ce temps, elles discutèrent avec Emmi PIKLER de ce qu'elles avaient observé: le travail et la relation paisible de ces adultes qui s'occupaient de ces enfants. C'est ainsi que la France découvrit la pédagogie Loczy-Pikler dans le livre „Loczy ou le maternage insolite“ rédigé par Myriam DAVID et Geneviève APPEL en 1973. Dans le domaine des images, c'est Bernard Martino, qui nous présentait l'Institut Loczy en 1984 dans le film très célèbre à l'époque „Le bébé est une personne“.
Les vacances d'été sont là! Alors, je vous propose de poursuivre notre rendez-vous le 1er Août prochain, pour parler du Jeu libre et rallonger cette article en compagnie d'Emmi PIKLER.
En attendant, aujourd'hui c'est l'équipe de la crèche Pikler que je souhaite remercier pour l'accueil qu'elle m'a réservé pendant 9 semaines d'immersion en stage Erasmus. Je remercie aussi tous les enfants et parents que j'ai observés, regardés depuis toujours. Mon regard s'aiguise depuis ma propre venue au monde et continuera à s'aiguiser jusqu'à ce que je le quitte.
Si vous avez aimé notre rendez vous, je serai heureuse de le rallonger avec vous.Vous pouvez aussi aimer ou partager le lien de notre rendez-vous.
Je finis notre rencontre sur cette phrase que j'emprunte à Agnès Szanto-Feder: "A l'enfant qui vit, à l'adulte qui réfléchit."
Inspirations bibliographiques:
-« Se mouvoir en liberté dès le premier âge », Emmi PIKLER
-Loczy: un nouveau paradigme? L'institut Pikler dans un miroir à facettes multiples, sous la direction de Agnès Szanto-Feder : A Loczy „se mouvoir“ destine l'infans à éxister ; Madeleine VABRE
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